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Berlin, visitée en décembre 2004, est magnifique — autant par ses habitants que par son architecture. Les murs ont été relevés, les âmes lentement reconstruites. Il n’y a pas si longtemps, la vie ici était dure, cadenassée, et dans ces rues, des hommes ont, en toute légalité, orchestré l’une des plus grandes horreurs de l’humanité. Ils ont montré une fois encore que l’imagination du chaos n’a pas de limites. Le malheur a habité ces lieux, il a été construit, structuré, méthodiquement appliqué. Rien, alors, ne l’a contenu : ni la conscience, ni la compassion, ni le bon sens. Aujourd’hui, lorsque l’on traverse le pont, dans un sens comme dans l’autre, en toute tranquillité, le cœur se serre — car autrefois, ce simple passage était une chance de survie, l’espoir ténu d’une seconde vie. Le silence de certaines rues nous parle encore : il dit la nécessité d’autrefois de se taire, de se cacher, de rester en marge pour survivre. L’étoile, aujourd’hui exposée à la lumière, conserve toute sa charge symbolique. Elle éclaire, mais elle pèse. Le poids de cette mémoire semble nous tirer vers le sol, comme si la terre elle-même voulait absorber cette douleur enfouie. Peut-être seul un tourbillon mêlant passé et avenir peut-il encore nous extraire de cette gravité, nous figer dans un entre-deux étrange, nous transformer en statues de notre propre conscience. Car la puissance du passé, si elle ne nous brise pas, nous façonne ; elle nous arme de l’intérieur, nous rend capables de résister, sans éclats, mais avec fermeté. Pourtant, les anciens symboles n’ont pas disparu : même s’ils ne nous désignent plus, ils sont là, présents, tapis, menaçants, rappelant dans leur mutisme les traces d’un avenir incertain. Nous vivons encore sous l’ombre d’une autorité invisible, étouffante, née du socle même de l’écrasement. Et nous restons, malgré tout, surpris de constater que la lumière, aujourd’hui, vient de l’Est.

Berlin, visited in December 2004, is magnificent — as much for its people as for its architecture. The walls have been rebuilt, the souls slowly restored. Not so long ago, life here was harsh, confined, and in these very streets, men, under the guise of legality, orchestrated one of humanity’s greatest horrors. They showed once again that the imagination of chaos knows no bounds. Misfortune lived here — it was built, structured, methodically applied. Nothing, at the time, could contain it: not conscience, not compassion, not common sense. Today, when we cross the bridge — peacefully, in either direction — our hearts tighten, for once, that same crossing might have meant a chance at survival, the fragile hope of a second life. The silence in certain streets still speaks to us; it tells of a time when one had to hide, remain silent, live on the margins just to endure. The star, now fully exposed to light, retains its powerful symbolism. It illuminates, but it weighs heavily. The burden of memory pulls us down, as if the earth itself wished to absorb this buried sorrow. Perhaps only a whirlwind, blending past and future, could lift us from this gravity, freeze us in a strange in-between, turning us into statues of our own awareness. For the power of the past, if it does not crush us, shapes us — it arms us from within, makes us able to resist, quietly but firmly. Yet the old symbols have not vanished: even if they no longer point to us directly, they are still here — present, lurking, threatening — silently echoing the traces of an uncertain future. We are still living under the shadow of an invisible, suffocating authority, born from the very foundations of oppression. And still, despite everything, we remain astonished that the light, today, comes from the East.

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Mise à jour Juin 2025

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